Choisir la concentration en études féministes

Esther Trépanier (1951-2024). Notre étoile.

  • Une rencontre commémorative se tiendra à Montréal, le jeudi 4 avril 2024, à compter de 16 heures au chalet Robin des bois, au parc Lafontaine.

La professeure émérite Esther Trépanier (1951-2024) a enseigné au département d’histoire de l’art de l’UQAM de 1981 à 2020. Tout au long de sa brillante carrière comme enseignante et chercheure, elle a interrogé les sources et les horizons de la modernité québécoise, plus spécifiquement autour de la représentation visuelle de la ville dans la première moitié du 20e siècle.

Photo : MNBAQ, Idra Labrie

La thèse de doctorat qu’Esther Trépanier a soutenue à Paris est devenu l’ouvrage classique Peinture et modernité au Québec 1919-1939, publié chez Nota Bene en 1999. Elle y développe non seulement une histoire de la peinture telle que les peintres  québécois (qu’ils et elles soient francophones catholiques, anglophones-protestants ou juifs yiddish-anglophones) l’ont investie de leurs visions de la modernité; mais elle y fait aussi une étude détaillée de la constitution des idées de la modernité dans la critique d’art, et donc dans un champ littéraire qui s’articule à la pratique artistique. Ce magnum opus est en outre un modèle de méthodologie qui réorganise notre vision du champ artistique pour ouvrir l’espace aux pratiques artistiques et aux créateurs et créatrices qui avaient auparavant été classé.e.s dans les marges, et dont elle démontre plutôt l’inscription pleine dans les idées, les débats et les aspirations artistiques de leur époque.

Ainsi, Esther Trépanier a travaillé ardemment à donner place aux femmes artistes du Québec au 20e siècle, aux artistes de la communauté juive dans les années 1930 et 1940, ainsi qu’à des peintres dont les contributions singulières — Adrien Hébert, Marc-Aurèle Fortin, Jack Beder et surtout Marian Dale Scott — nous rappellent que l’histoire des arts visuels dans notre société ne se mesure pas uniquement par la consécration et la mythification de figures hors-norme, ces Riopelle, Borduas, Lemieux et Pellan, tout aussi intéressants ou importants soient-ils.

Esther Trépanier a porté ses idées et ses recherches dans la Cité. En 1988 elle organisait, au centre d’art Saidye Bronfman, la première rétrospective consacrée aux artistes juifs qui étaient à l’œuvre à Montréal entre 1930 et 1945 ; l’exposition a eu droit à une deuxième édition, mise en circulation par le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) et présentée au Musée McCord, suivie d’une publication (Éditions de l’Homme, 2008). On pense aussi aux expositions qu’elle a organisées pour le MNBAQ et qui ont circulé dans le ‘Rest of Canada’ , telle que l’exposition rétrospective consacrée à Marian Dale Scott qui s’est rendue en sept villes canadiennes entre 2000 et 2003. Ayant pris  la direction du MNBAQ entre 2008 et 2011, où elle a fondé une collection éditoriale et une programmation en expositions consacrées aux arts du Québec depuis la période de contact au 17e siècle jusqu’à nos jours, Esther Trépanier y a notamment organisé et fait circuler deux expositions consacrées aux Femmes artistes du Québec au XXe siècle à partir des collections du musée, et réalisé, en collaboration avec Véronique Borboen l’exposition Mode et apparences dans l’art québécois, 1880-1945.

Photo : MNBAQ, Idra Labrie

En 2023 l’exposition Oubliés! Scott, Brandtner. Eveleigh, Webber : Revoir l’abstraction montréalaise des années 1940, connaît une diffusion régionale importante : d’abord présentée au Musée d’art de Joliette, puis au Musée des beaux-arts de Sherbrooke, elle terminera sa course au Musée du Bas-Saint-Laurent à Rivière-du-Loup à compter du mois de juin 2024. La publication, éditée en versions française et anglaise grâce au partenariat du Musée d’art de Joliette avec les Presses de l’Université de Montréal et McGill-Queens University Press, s’est méritée en 2023 le prix du meilleur catalogue d’exposition de l’Association d’Art des Universités du Canada (AAUC).

La contribution soutenue d’Esther Trépanier à la vie scientifique et publique de l’histoire de l’art du Québec est inestimable. Outre les expositions et colloques dont elle a été l’organisatrice ou la co-organisatrice, elle a signé une soixantaine de chapitres de livre et d’articles scientifiques (en revues ou en actes de colloque), et a dirigé ou co-dirigé une trentaine de catalogues d’exposition. Célébrée partout pour la verve de ses prestations orales, elle a présenté une cinquantaine de communications savantes et près de 150 conférences pour grand public dans les musées québécois et canadiens. Au Musée des beaux-arts de Montréal, où elle a longtemps œuvré à la formation des guides bénévoles, elle a développé à partir de 2014 des programmes éducatifs, audioguides, capsules éducatives et cycles de conférences pour la direction de l’éducation et de l’action culturelle. Elle a collaboré régulièrement à la programmation culturelle de bien d’autres institutions, notamment une série interdisciplinaire de conférences à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) où ses contributions ont pu éclairer (et profiter de) celles de ses collègues en histoire de la littérature, de la musique, du théâtre, de la danse, de la radio et la télévision et du cinéma au Québec. Enfin, on ne saurait passer sous silence son implication en tant que mentore et collègue dans la fondation de l’Équipe de recherche en histoire de l’art au Québec (2013) et du Laboratoire numérique des études en histoire de l’art du Québec (2014), tous les deux rattachés étroitement au département d’histoire de l’art de l’UQAM et au CRILCQ et qui continuent à s’inspirer du modèle de collégialité, de rigueur et de passion pour les artistes et leurs œuvres dont Esther Trépanier a fait preuve à chaque moment.

Dans ses dernières années, bien que luttant courageusement contre la maladie, Esther Trépanier a généreusement participé aux activités publiques entourant les itérations de l’exposition Oubliés! Scott, Brandtner. Eveleigh, Webber : Revoir l’abstraction montréalaise des années 1940. C’est aussi au cours de cette période difficile qu’elle a entrepris et mené à terme son ultime essai, La mode sauvera-t-elle Cendrillon? Autour de trois romans et de quelques tableaux (Presses de l’Université de Montréal, 2023), un projet qu’elle laissait dormir dans un tiroir en attendant sa retraite et qui lui aura apporté beaucoup de plaisir, comme elle l’a confié lors du lancement en novembre dernier. Quatre mois plus tard, le 4 mars, la maladie l’a emportée. Nous pouvons toutefois nous consoler à la lecture de ces pages qui témoigneront à jamais de sa vivacité, de son humour et de son engagement profond pour l’histoire culturelle du Québec.

Département d’histoire de l’art

Le Département offre des cours dans plusieurs programmes de premier, deuxième et troisième cycles en histoire de l'art, en muséologie, en sémiologie, en études et pratiques des arts, et dans plusieurs programmes conjoints avec d'autres universités. Ces cours procurent aux étudiants une formation solide couvrant les courants artistiques à travers l'histoire, portant une attention particulière aux arts et à l'architecture modernes, contemporains et actuels, tout en assurant une formation théorique de pointe.

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